vendredi 19 août 2016

[ Chronique ] • Vous n'aurez pas ma haine • Antoine Leiris








Titre : Vous n'aurez pas ma haine

Auteur : Antoine Leiris

Éditeur : Fayard

Nombre de pages : 139


Genre : Témoignage










Résumé :

Antoine Leiris a perdu sa femme, Hélène Muyal-Leiris, le 13 novembre dernier assassinée au Bataclan. Alors que le pays était endeuillé, à la recherche de mots pour dire l'horreur, il publiait sur les réseaux sociaux une lettre destinée aux terroristes intitulée Vous n'aurez pas ma haine. Dans celle-ci, il promettait à ces « âmes mortes » de ne pas leur accorder sa haine ni celle de leur fils de dix-sept mois, Melvil. Son message fait le tour du monde. Accablé par la perte, Antoine Leiris, journaliste de 34 ans, n'a qu'une arme : sa plume. L'horreur, le manque et le deuil ont bouleversé sa vie. Mais, à l'image de la lueur d'espoir et de douceur que fut sa lettre, il nous dit que malgré tout, la vie doit continuer. C'est ce quotidien, meurtri mais tendre, entre un père et son fils, qu'il nous offre dans ce témoignage poignant.




C'est en recevant un SMS que sa vie va basculer. C'est en allumant la "boite à horreurs" que le sol va s'effondrer sous ses pieds. 

C'était le 13 novembre 2015. Attaques au bataclan (entre autres). Ils ont voulu mettre la FRANCE à genou. Ils ont osé s'en prendre à notre culture, nos coutumes, notre joie de vivre, le sport, la musique, les sorties entre amis au bar du coin.


Désolée, mais ... VOUS N'AUREZ PAS SA HAINE !!!


Vendredi soir vous avez volé la vie d’un être d’exception, l’amour de ma vie, la mère de mon fils mais vous n’aurez pas ma haine.
Je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas le savoir, vous êtes des âmes mortes. Si ce Dieu pour lequel vous tuez aveuglément nous a fait à son image, chaque balle dans le corps de ma femme aura été une blessure dans son cœur.

Alors non je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr. Vous l’avez bien cherché pourtant mais répondre à la haine par la colère ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes. Vous voulez que j’ai peur, que je regarde mes concitoyens avec un œil méfiant, que je sacrifie ma liberté pour la sécurité. Perdu. Même joueur joue encore.

Je l’ai vue ce matin. Enfin, après des nuits et des jours d’attente. Elle était aussi belle que lorsqu’elle est partie ce vendredi soir, aussi belle que lorsque j’en suis tombé éperdument amoureux il y a plus de 12 ans. Bien sûr je suis dévasté par le chagrin, je vous concède cette petite victoire, mais elle sera de courte durée. Je sais qu’elle nous accompagnera chaque jour et que nous nous retrouverons dans ce paradis des âmes libres auquel vous n’aurez jamais accès.

Nous sommes deux, mon fils et moi, mais nous sommes plus fort que toutes les armées du monde. Je n’ai d’ailleurs pas plus de temps à vous consacrer, je dois rejoindre Melvil qui se réveille de sa sieste. Il a 17 mois à peine, il va manger son goûter comme tous les jours, puis nous allons jouer comme tous les jours et toute sa vie ce petit garçon vous fera l’affront d’être heureux et libre. Car non, vous n’aurez pas sa haine non plus."




Il m'aura fallu neuf mois pour avoir le courage de lire le témoignage d'Antoine Leiris. Sa lettre ouverte m'avait bouleversé, sans compter son passage à "sept à huit". Comment un homme qui vient de perdre sa femme, et qui se retrouve seul avec son bébé, peut-il avoir cette force d'esprit ?



Je n'ai perdu personne pendant ces attaques, mais mon cœur de patriote s'est brisé... Déjà avec Charlie, je pleurais mon pays et mon drapeau dont je suis tellement fière. Alors je ne pleure personne, c'est vrai, je pleure seulement devant l'horreur de ces massacres, je pleure de voir des gens souffrir, je pleure de rage et de colère, car s'ils n'ont pas sa haine, ils ont la mienne au centuple. Je n'ai certainement pas la force de cet homme, cet homme brisé, ce mari aimant qui se retrouve vivant mais abandonné à sa tristesse, ce papa qui ne sait pas comment il va pouvoir faire maintenant qu'il est tout seul avec son petit garçon. Ce papa qui se demande s'il a le droit de laisser tomber lui aussi, s'il a le droit de ne plus rire, ne plus jamais aimer une autre femme, s'il a tout simplement le droit de capituler ... Mais malgré son chagrin et sa peine, malgré la vie qui suit son cours, malgré les regards différents, il fait tout pour préserver la vie et l'innocence de son bébé, comme il l'appelle si souvent.



• 13 novembre 2015


" J'attrape mon téléphone. Je dois l'appeler, lui parler, entendre sa voix. Contacts. "Hélène", simplement Hélène. Je n'ai jamais changé son nom dans mon répertoire, jamais ajouté de "mon amour" ou de photo d'elle et moi pour l'illustrer. Elle non plus. C'est un appel d'"Antoine L." qu'elle n'a jamais reçu ce soir-là."

" On attend, les yeux rivés sur les chaînes d'information en continu qui ont déjà lancé le grand concours du titre le plus racoleur, le plus pervers, celui qui nous maintient captifs, spectateurs d'un monde que se délite. "Massacre", "Carnage", "Bain de sang". J'éteins l'écran avant que le mot "boucherie" ne soit prononcé. La fenêtre sur le monde est fermée. Place à la réalité."

• 14 novembre 2015

" Et ce soir, il attend que sa mère rentre avant d'aller se coucher. L'attente est un sentiment qui n'a pas de nom. A l'heure où je lui lis une dernière histoire, elle les porte tous à la fois. Elle est chagrin, espoir, tristesse, soulagement, surprise, effroi."

• 15 novembre 2015

" Notre coccinelle s'est posée sur le nez de la sorcière, elle avait une Kalachnikov en bandoulière et la mort au bout du doigt "

" Les photos défilent, les notes de musiques se font plus cinglantes. On est comme deux enfants penches sur une boite à musique qui joue l'air de notre vie, pleurant tout ce qu'il nous reste de larmes."

• 16 novembre 2015

" A chaque couleur sa fonction. Bleu, police, pour passer. Jaune fluorescent, soutien psychologique, à éviter. Noir, institut médico-légal, pour la retrouver. Je me précipite vers quelqu'un en bleu, qui me dirige vers quelqu'un en noir, qui me propose un détour par quelqu'un en jaune fluorescent. Je fais mine de ne pas le voir [...]. Le chemin est interminable. Quelques mètres comme une éternité. "

" L'antichambre de la mort ne ressemble pas à ce que j'avais imaginé. Pourtant, derrière les lattes qui recouvrent l'ensemble de la pièce, du sol au plafond, j'entends couler le sang des morts. D'un instant à l'autre, je l'imagine faire céder les murs de lambris, et nous inonder peu à peu. Des pieds à la tête. Noyés dans un bain de sang. En réalité, nous l'étions déjà."

" Je pleure, lui parle, j'aimerais rester une heure encore, une journée au moins, une vie peut-être. Mais il faut la quitter. La lune doit se coucher. Le soleil, ce 16 novembre se lève sur notre nouvel "il était une fois...". L'histoire d'un père et d'un fils qui s'élèvent seuls, sans l'aide de l'astre auquel ils ont prêté allégeance.
- Monsieur, il faut la laisser ... "

" Même pas le temps de prendre conscience de ce qui vous est arrivé que le défilé des "désolés" en costume noir a déjà commencé."

• 17 novembre 2015 

" Je pensais que si un jour la lune disparaissait, la mer se retirerait pour qu'on ne la voie pas pleurer. Que les vents cesseraient de danser. Que le soleil ne voudrait plus se lever."

" Tous les jours, je joue à la même symphonie dont il est le métronome, prenant bien soin de respecter chaque note. Lever. Câlin. Petit déjeuner. Jeux. Promenade. Musique. Déjeuner. Histoires. Câlin. Dodo. Lever. Goûter. Promenades. Courses. Musique. Bain. Soins. Dîner. Histoires. Câlin. Dodo."

• 18 novembre 2015

" Sans rien me dire, les mamans de la garderie se sont débrouillées pour que Melvil ait chaque jour des petits plats qui ont le goût de l'amour d'une maman."

• 21 novembre 2015

" Vertige de solitude. Il n'y a que moi. Et il reste neuf doigts. J'ai honte. Je me sens si petit. Comme un enfant qui aurait voulu jouer au papa, mais qui ne connaît pas les règles. J'ai perdu la partie, c'est un jeu de grand, et j'ai coupé le doigt. J'ai envie de capituler, de ramper sous le lit pour me cacher. Je rêve de ces bras dans lesquels moi aussi je pourrais pleurer. De ces bras qui feront à ma place ce que je suis encore trop petit pour faire. Je ne suis pas à la hauteur."

• 22 novembre 2015

" On a toujours l'impression, lorsque l'on regarde quelque chose de loin, que celui qui survit au pire est un héros. Je ne sais pas si j'en suis un. La fatalité a frappé, c'est tout. Elle ne m'a pas demandé mon avis. Elle n'a pas cherché à savoir si j'étais prêt pour ça. Elle est venue chercher Hélène, et m'a obligé  à me réveiller sans elle".

• 24 novembre 2015

" Il ne me soignera pas. On ne se soigne pas de la mort. On se contente de l'apprivoiser.

• 25 novembre 2015

" Le jeu est son arme, la prochaine bêtise son horizon, un enfant ne s'encombre pas des choses de grands. Son innocence est notre sursis."


Cette lecture m'a ému, remué, secoué et bouleversé, mais je n'en oublie pas pour autant les autres victimes, ni leurs familles. Je souhaite de tout mon cœur qu'elles reposent en paix, et par cette "chronique", je tiens à leur rendre cet hommage à ma façon, et rendre aussi hommage aux victimes de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, celles de Nice le 14 juillet 2016, et pas parce que je suis hyper croyante, mais parce qu'ils ne veulent pas qu'on touche à leur religion, ils n'ont pas à détruire la notre, je rends hommage au Père Jacques Hamel. Et pour finir je n'oublie pas mes frères d'arme, Jean-Baptiste et sa femme Jessica. Puissiez-vous tous reposer en paix, au Paradis, endroit où ils n'auront jamais accès. La FRANCE ne sera jamais à terre, nous continuerons ensemble de lire, écrire, dessiner, contempler des œuvres d'art, faire du sport, porter des jupes, boire des coups au troquet du coin ou  écouter de la musique à fond les ballons. Chaque jour qui passe, je le fais en pensant à tout ça, et vous savez quoi ?



CHERS TERRORISTES

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#JEMEFOUDECEQUEPENSENTLESGENS

dimanche 14 août 2016

[ Chronique ] • La grande vie • Christian Bobin




                                                                Titre : La grande vie
                                                             Auteur : Christian Bobin
                                                                Éditeur : Folio
                                                             Nombre de pages : 103
                                                               Genre : Contemporain



                        "Ceux qui nous sauvent de notre vie, ne savent pas qu'ils nous sauvent."

Résumé :

"Les palais de la grande vie se dressent près de nous. Ils sont habités par des rois, là par des mendiants. Thérèse de Lisieux et Marilyn Monroe. Marceline Desbordes-Valmore et Kierkegaard. Un merle, un geai et quelques accidents lumineux. La grande vie prend soin de nous quand nous ne savons plus rien. Elle nous écrit des lettres", Christian Bobin.

Mon avis :


Entre poésie, amour, joie, tristesse, délicatesse, métaphores parfois compliquées à décrypter, religion et croyance, en un Dieu qui existe ou non.

Hommages multiples à la vie, aux livres, à l'écriture, aux poètes, à des artistes, écrivains ou musiciens, ce recueil de six petites histoires n'est autre qu'un hommage à la vie. Tous ces petits riens qui peuplent la vie de Christian BOBIN, c'est ça pour lui la "GRANDE VIE".

A picorer à petites doses pour pouvoir savourer le maximum.

Jolie découverte même si je n'ai pas pris autant de plaisir qu'en lisant un roman de Mathias Malzieu (entre autres).



" Je pense à la délicatesse des autistes et à leur visage d'eau de source, à cette divine maladresse que nous avons au fond de l'âme et dont les petites mains volantes d'un nouveau-né sont la parfaite image." 

" Je jette le filet de mes yeux sur les eaux du monde détruit, puis je le ramène à moi et je sauve les poissons d'or."