lundi 27 août 2018

[ Chronique ] • Toutes blessent, la dernière tue • Karine Giebel


Titre : Toutes blessent, la dernière tue
Auteur : Karine Giebel
Nombre de pages : 740
Edition : Belfond
Genre : Thriller psychologique


" La bible racontait n'importe quoi. Gabriel avait bel et bien rejoint Lucifer. "


Résumé :


Maman disait de moi que j'étais un ange.

Un ange tombé du ciel.
Mais les anges qui tombent ne se relèvent jamais...
Je connais l’enfer dans ses moindres recoins.
Je pourrais le dessiner les yeux fermés.
Je pourrais en parler pendant des heures.
Si seulement j’avais quelqu’un à qui parler…

Tama est une esclave. Elle n’a quasiment connu que la servitude. Prisonnière de bourreaux qui ignorent la pitié, elle sait pourtant rêver, aimer, espérer. Une rencontre va peut-être changer son destin…

Frapper, toujours plus fort.
Les détruire, les uns après les autres.
Les tuer tous, jusqu’au dernier.

Gabriel est un homme qui vit à l’écart du monde, avec pour seule compagnie ses démons et ses profondes meurtrissures.
Un homme dangereux.
Un matin, il découvre une inconnue qui a trouvé refuge chez lui. Une jeune femme blessée et amnésique.
Qui est-elle ? D’où vient-elle ?

Rappelle-toi qui tu es. Rappelle-toi, vite !
Parce que bientôt, tu seras morte.


Mon avis :



 " Vulnerant omnes, ultima necat.
At eae quas ad vos consumpsi me delectaverunt. "


ÂMES SENSIBLES, S'ABSTENIR !!


On l'appelle Tama, c'est le diminutif de Tamazzalt, qui signifie "la dévouée", mais ce n'est pas son vrai prénom .. On le lui a donné pour qu'elle oublie qui elle était vraiment. Comme ça, elle ne sera juste rien, ni personne. Juste Tama, la petite bonniche marocaine.


Sa mère disait d'elle, que c'était un ange, un ange tombé du ciel, mais les anges qui tombent ne se relèvent jamais ...

Tama a été vendue par son père à l'âge de 9 ans. Elle a quitté le Maroc pour la France. Son père pensait qu'en la vendant à une famille là-bas, elle aurait une belle vie, elle pourrait apprendre et aller à l'école. Elle mangerait correctement et se ferait de nouvelles copines. Mais Tama n'a jamais vu le chemin de l'école, ni même une assiette à table pour elle. 

Tama, la seule chose qu'elle connaît, c'est l'enfer ! "Je connais l'enfer dans ses moindres recoins. Je pourrais le dessiner les yeux fermés. Je pourrais en parler pendant des heures. Si seulement j'avais quelqu'un à qui parler."

Elle connaît la honte, l'humiliation, la tristesse, la haine, la colère, la servitude, l'envie de mourir. Tama est une esclave.

Mais ... Ne sommes-nous pas tous des esclaves en quelque sorte ? Esclaves de nos peines, de nos peurs, de nos colères, de notre vengeance, de nos croyances, de nos téléphones portables ... ?


Tama se retrouve très vite placée dans une famille, elle doit s'occuper des enfants, de la cuisine, du ménage, du linge, d'être un bon bouc-émissaire, d'être la poubelle de table en finissant les restes que les enfants ne veulent pas."Ils lui mettent de la colle dans les cheveux, du cirage sur le visage, de la honte plein le cœur. Ce n'est que le début." Le début d'un long calvaire. D'une longue période d'agonie et de souffrance.


740 pages = 10 années. 740 pages pour rassembler 10 longues années de violence, de douleur, d’acharnement, d'humiliation, de séquestration, de honte, de méchanceté, de larmes, de pleurs, de cris, mais aussi de force, et d'un peu d'amour, juste un peu. Alors oui, 740 pages de torture, c'est long, c'est épuisant, c'est bouleversant, c'est insupportable, mais ce n'est rien à côté du calvaire que Tama a enduré. Mais il n'y a pas qu'elle. Il reste encore de nos jours, tellement de Tama maltraitées, et foutues au placard comme une paire de chaussures usagée. Et je parle de la France, parce qu'il ne faut pas croire, que parce que l'esclavage est aboli depuis 1948, et que (seulement) depuis 2013, "la réduction en esclavage, la servitude et le travail forcé ont fait leur entrée dans notre code pénal", il n'existe donc plus chez nous. FAUX ! Et si vous pensez le contraire, alors vous êtes bien naïfs...

Je suis passée, comme à chaque livre de Karine Giebel, par mille émotions. La claque finale est magistrale, ici pas de "Happy Ends", JAMAIS avec Karine. Un véritable page-turner. De la vraie souffrance et noirceur. Mais aussi beaucoup de réflexion, de prise de conscience et puis de questionnement. Combien ? Combien de Tama reste-t-il de nos jours sans que l'on en sache rien ? Combien de temps cela va-t'il encore durer ?


" Elle était la voix de l'horreur, de l'indicible et de l'intolérable. La voix des esclaves. À cette seconde, terrible, [...] elle était toutes les femmes blessées, torturées. Elle était leur douleur, leur souffrance, leur courage. Leurs larmes et leur désespoir. [...] Elle était l'enfance bafouée, volée, abandonnée.

Elle avait les échines courbées, les rêves brisés, les détresses silencieuses, les longues nuits de solitude. 

Elle était les appels au secours qu'on n'écoute pas, les cris qu'on n’entend plus. 

[...] Elle était le monde tel qu'il est, tel qu'on refuse pourtant de le voir. "


Alors si après tout ça, il vous reste du courage, et que votre cœur est bien accroché, je vous souhaite une excellente lecture !


Ma note : 19/20



" Je n'ai plus de larmes. Plus de forces. J'arrive au bout du chemin. J'ai vécu dans une buanderie, dans une loggia. J'ai vécu le pire. Du moins, le croyais-je. J'ai vécu dans une belle maison avec piscine. Désormais, c'est dans un placard que je survis. L'ampoule éteinte, mes rêves moribonds.


J'ai servi d'esclave à ceux qui ignorent la pitié. J'ai apprivoisé la peur, la solitude. j'ai appelé au secours, j'ai perdu ma voix, mon innocence et ma dignité.

J'ai appris le silence, le deuil et la servitude. J'ai détesté, et même haï. J'ai aimé si fort que je me suis consumée de l'intérieur. Je n'ai que seize ans. Pourtant, j'ai vécu mille vies. Je connais l'enfer dans ses moindres recoins. Je pourrais le dessiner les yeux fermés. Je pourrais en parler pendant des heures. Si seulement j'avais quelqu'un à qui parler."




SI SEULEMENT J'AVAIS QUELQU'UN A QUI PARLER ....


                                              ÂMES SENSIBLES, S'ABSTENIR !!                                       

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